Tabou, le blues de la femme enceinte?

 

 


Par Elodie Arnaud www.femina.ch

 

Loin de l’image d’Epinal de la future maman rayonnante, certaines femmes vivent difficilement ces neuf mois de bouleversement.  Pire, elles culpabilisent de ne pas aimer être enceinte. Pourtant elles ont leurs raisons. Témoignages et regards d’experts.>

 

Rien ne va plus! Vous vous rêviez voluptueuse et sereine avec votre gros ventre et vous voici lasse et au bord des larmes, la peau terne et le souffle court, incapable d’atteindre vos pieds pour enfiler vos chaussures… Alors que les people exhibent leur ventre rond sur tapis rouge et clament qu’elles ont trouvé dans la grossesse leur plus beau rôle, pourquoi certaines femmes se sentent elles si éloignées de cette maternité triomphante et vivent-elles l’une des périodes les plus pénibles de leur vie? Sur fond de sentiment de culpabilité, très peu avouent qu’elles n’aiment pas être enceintes. Elles l’ont voulu ce bébé! Mais il y a un gouffre entre leur désir de donner la vie et leur mal-être tandis qu’elles portent cet enfant. Pourquoi ne s’épanouissent-elles pas dans la grossesse? A qui peuvent-elles en parler?
 

Epanouissement absent

«La grossesse est l’une des situations les plus ambivalentes de la vie d’une femme, on est constamment dans le «je veux, je ne veux pas», on navigue beaucoup pendant ces 9 mois», explique Corinne Meyer, sage-femme à la maison de naissance Zoé à  Moudon. C’est que les femmes ne sont pas toutes égales face à la grossesse. Et en toute sincérité, certaines amies racontent donc leurs neuf mois de plénitude… «Pourquoi pas moi?», la question revient dans la bouche de celles qui osent à peine reconnaître qu’elles n’aiment pas être enceintes. Ajoutons à ceci l’environnement guimauve autour de la grossesse dans l’imaginaire collectif, et les ingrédients sont réunis pour se sentir isolée dans son mal-être, comme le confirme Corinne Meyer: «Ce cliché de la femme enceinte qui nage dans le bonheur est terrible, il culpabilise encore plus les femmes qui se sentent mal.»

Fatigue, maux de jambes, insomnie, nausées, Christelle a gagné le gros lot lors de sa deuxième grossesse. Il faut reconnaître que pour certaines être enceinte n’est pas une partie de plaisir! Mélanie a le sentiment qu’on lui a menti par omission. «J’aurais aimé être prévenue, j’aurais été préparée», déplore-t-elle. Pour Aude, «c’était comme un passage obligé pour avoir un enfant, je n’ai pas trouvé ma grossesse passionnante, je me suis sentie diminuée». Corinne Meyer invite toutefois ses patientes à prendre du recul sur leur état: «Pendant la grossesse comme dans les autres moments de la vie d’une femme, on ne peut pas avoir que le côté sympa des choses, on doit pouvoir composer avec les aspects dans lesquels on ne s’épanouit pas.» Laure a, quant à elle, vécu son accouchement deux semaines avant terme comme un soulagement: «Deux semaines de stress en moins, c’était déjà ça.» Ce ne sont pas les maux physiques qui ont rendu sa grossesse difficile, mais ses angoisses tenaces. «Je n’ai pas réellement trouvé d’oreille attentive, regrette-t-elle, je me faisais des films terribles, mais comme mon gynéco m’assurait que tout allait très bien, je n’ai pas osé lui faire part de mes inquiétudes.» Les inquiétudes de Laure n’avaient pourtant rien d’exceptionnel. «Les femmes enceintes prennent conscience des responsabilités qui vont être les leurs et se demandent si elles pourront les concilier avec leur vie professionnelle et leur vie de femme», relève Marion Righetti-Veltema, médecin psychiatre, psychothérapeute pour adultes, enfants et adolescents à Genève.
 

Oser en parler…

Un tour sur les forums de discussion entre futures mamans révèle un grand nombre d’échanges sur le thème du mal-être pendant la grossesse, comme si seul l’anonymat derrière les pseudos permettait le dévoilement de ce qu’elles ressentent. Elles osent faire part de leurs craintes que rien ne soit plus comme avant, ou du sentiment qu’elles sont dépossédées de leur propre corps, parfois même terrifiées par le fait de ne pas pouvoir maîtriser leurs transformations physiques. «Chez certaines femmes très actives, fonctionnant davantage sur le mode intellectuel qu’affectif, la maternité les confronte avec l’image extrême d’une féminité dans laquelle elles ne s’étaient jusqu’alors pas reconnues», explique Marion Righetti-Veltema. Le malaise d’une proportion non négligeable de femmes enceintes peut se transformer en dépression nécessitant une aide psychologique: entre 10 et 15% des femmes présente un syndrome dépressif pendant la grossesse ou dans les 12?mois suivant l’accouchement (jusqu’à 20% au cours du dernier trimestre de la grossesse). Fatigue, tristesse, idées noires, ces symptômes doivent inciter les femmes à se confier, explique Marion Righetti Veltema, car, même mineurs, ils peuvent les empêcher de vivre une maternité sereine. Elles risquent de devenir des mères angoissées, déprimées, moins patientes. La parole est ainsi le meilleur remède au mal-être des femmes enceintes.

Le soutien du père de l’enfant est important, ainsi que celui de leurs amies ou de leur propre mère qui sauront les rassurer. Une étude est en cours dans le Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent des Hôpitaux universitaires de Genève, menée par Nathalie Nanzer, pédopsychiatre, et à laquelle participe Marion Righetti-Veltema. Cette étude concerne la prise en charge de femmes enceintes présentant des signes dépressifs. Elle démontre qu’une psychothérapie brève de 4 séances, centrée sur les différents aspects de la maternité, peut les aider à être plus sereines.
 

Un idéal angoissant

Rassurer fait aussi partie du rôle des sages-femmes. «Je suis à l’écoute de mes patientes lorsqu’elles me confient leurs difficultés, je les aide à prendre conscience de leurs capacités. Elles ont les ressources pour surmonter leurs angoisses», souligne Corinne Meyer. Parler de son malaise est donc essentiel, mais les futures mères ne risquent-elles pas d’être jugées en revendiquant ne pas aimer leur état? Marion Righetti-Veltema confirme que le sentiment de culpabilité peut être fort: «Elles ont honte de leurs idées noires et peuvent se sentir très soulagées lorsqu’elles sont entendues et comprises.» Les sentiments négatifs sont difficiles à assumer, elles se sentent si éloignées de la grossesse idéale… «Il est essentiel qu’elles puissent réfléchir à la manière dont elles idéalisent la grossesse et le rôle de mère. La plupart de leurs angoisses tournent en effet autour de leur capacité à être mère, et donc à être une bonne mère. Il s’agit de les amener à envisager leur propre façon de devenir mère», conclut-elle.

 

Les signes qui doivent conduire à en parler
- Sentiments de grande tristesse, d’inquiétude ou d’inutilité
- Crises de larmes sans raison apparente
- Indifférence envers des choses d’habitude agréables
- Changements majeurs d’appétit, fringales ou désintérêt pour la nourriture
- Troubles du sommeil, difficultés à s’endormir, insomnie ou envie de dormir en permanence

 

Ces trucs que l’on déteste pendant la grossesse1. Les nausées: elles disparaissent en général à la fin du 3e?mois.

2. La constipation: la faute à la progestérone qui agit sur le tonus musculaire et rend l’intestin paresseux.
3. La fatigue: toujours la progestérone, et le bébé qui pompe dans nos réserves, de fer notamment.
4. Les jambes lourdes: hormones, poids, augmentation du volume sanguin et de la pression perturbent la circulation sanguine.
5. L’acné: merci encore les hormones qui peuvent entraîner une hypersécrétion de sébum.
6. Les vergetures: la peau s’étire et certaines fibres élastiques se cassent.
7. Les envies de faire pipi: c’est le périnée qui faiblit, on le fait travailler!
8. La libido en berne: ces désagréments et l’anxiété sont parfois redoutables... Le désir remonte souvent à partir du 4e?mois.

 

Et les pères, dans tout ça?

Pas facile pour les hommes de trouver leur place pendant ces neuf mois si particuliers! Entre les angoisses, les sautes d’humeur, les petits ou gros bobos de leur compagne et les contacts avec ce futur bébé qu’ils ne «sentent» pas, ils vivent de drôles de moments. Sur son blog, Daddy Soon confie avec beaucoup de lucidité et d’humour ses délires gestationnels de futur père: «(…) ma femme est en mission. Une mission abdominale qui se mène en solo, malgré tous mes efforts pour me placer en renfort dans les moments les plus critiques.» A suivre sur http://daddysoon.bleublog.lematin.ch/



18/11/2011
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