La toxoplasmose est-elle encore dangereuse pour les femmes enceintes?

 

Depuis le début de l’année, les gynécologues suisses ne cherchent plus
à dépister la toxoplasmose durant la grossesse.
Le professeur Patrick Hohlfeld du CHUV explique pourquoi.

 

FEMINA Les futures mères n’ont plus besoin d’être testées pour la toxoplasmose. La maladie est-elle enrayée?

PATRICK HOHLFELD On ne peut pas dire cela d’une manière aussi affirmative même si le risque de contracter cette maladie se révèle faible.

On a donc testé les femmes pendant des années pour rien?

Il faut savoir que la toxoplasmose est une question très française. Eh oui, les réactions du corps médical face à certaines maladies sont liées à la culture… En Angleterre, par exemple, de cette maladie, on parle très peu, voire pas! Pour ma part, je faisais partie des gynécologues militants et fermement convaincus qu’il fallait détecter cette affection.

Pratiquement, combien de nouveau-nés souffrent de complications dues à la toxoplasmose?

En Suisse, on parle d’un peu plus de trois enfants par an. Ils pourront avoir un problème oculaire ou cérébral suite à la maladie de leur mère.

Alors tout de même, les conséquences sont graves. On connaît toutes une copine qui a attrapé la toxo à cause d’un steak tartare ou d’un chat…

Il y en a, c’est vrai. Mais nous nous sommes aperçus que les traitements administrés au fœtus, quand la mère est atteinte, n’empêchent pas la transmission de l’infection à l’enfant. Pire, certaines femmes perdaient leur bébé des suites de l’amniocentèse pratiquée lorsqu’elles avaient contracté la toxoplasmose. En deux mots, on faisait plus de mal que de bien.

Pourtant, les tests et la médicalisation rassurent. Pensez-vous que les femmes vont bien réagir à cette suppression?

Cela va passer comme une lettre à la poste en Suisse alémanique, mais ce sera plus compliqué chez les Romandes. Ici, nous sommes influencés par la France où, comme je vous l’ai dit, la toxoplasmose a mauvaise réputation. Le problème, c’est que l’on vit dans une grande période d’illusion où les femmes espèrent maîtriser tous les risques liés à l’enfantement. C’est impossible, bien sûr.

Ces derniers temps, on parle aussi beaucoup de diabète gestationnel, qui peut se déclarer durant la grossesse. Ce dépistage va-t-il remplacer celui de la toxoplasmose?

Non, et c’est à nouveau une question culturelle. Aux Etats-Unis, le diabète gestationnel est systématiquement testé. C’est le cas également dans certains hôpitaux suisses. Ailleurs, on recherchera ce type de diabète s’il y a une suspicion ou des facteurs de risque.

Au final, les femmes enceintes n’ont plus besoin de faire attention à ce qu’elles mangent?

Ah non. Nous continuons à conseiller aux femmes de ne pas consommer de viande crue ou peu cuite. Tout comme de se laver soigneusement les mains après avoir manipulé de la viande crue ou changé la caisse du chat. De plus, une alimentation équilibrée est recommandée, tout comme la prise d’un supplément d’acide folique avant et en début de grossesse.

Bio Express
Professeur à la Faculté de médecine de Lausanne, Patrick Hohlfeld dirige le Département de gynécologie et obstétrique du Centre hospitalier universitaire de Lausanne.

Tiré de www.femina.ch



19/03/2009
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