Femmes: La dépression postnatale

 

L’arrivée d’un bébé n’apporte pas toujours le bonheur. Treize pour cent des femmes dépriment. Eclairage de la pédopsychiatre Nathalie Nanzer, qui sort un livre sur ce thème tabou.
Par Sylviane Pittet www.femina.ch

Au premier acte, bébé pointe le bout de son nez, qu’il a joli. Et impose ses rythmes et ses cris. Quoi de plus normal que sa maman n’en puisse plus, épuisée par les nuits au sommeil haché? Au deuxième acte, alors qu’elle devrait reprendre du poil de la bête – le petit dort mieux, pleure moins et se met même à sourire – ça ne s’améliore pas. Maman déprime, s’inquiète, s’énerve et s’en veut de s’énerver. Entrent en scène la solitude et une infinie détresse mêlée de culpabilité. Ce mauvais scénario, qui touche 13% des mères, s’écrit le plus souvent durant la première année de bébé avec un pic vers ses 3 mois.

Plus triste, la moitié de ces femmes à la dérive ne seront jamais diagnostiquées. On l’apprend dans La dépression postnatale, le livre que Nathalie Nanzer, nouvelle cheffe de l’unité de Guidance infantile du Service psychiatrique de l’enfant et de l’adolescent des HUG, à Genève, sort ces jours. Un ouvrage pour expliquer et repérer ce mal-être qui s’enracine plus vite que le sentiment de maternité. Parce qu’elles doutent d’elles, pensent qu’elles «font faux» mais croient que c’est ça, la maternité, nombreuses sont les nouvelles mères à prendre leur mal en patience. «Certaines disent qu’elles n’étaient sans doute pas faites pour ça, raconte Nathalie Nanzer. D’autres craignent de se voir prescrire des antidépresseurs si elles avouent leur état.»

Pas leur faute

Les racines de ce mal sournois? Plusieurs déclencheurs possibles ont été identifiés. Un passé psychologiquement lourd, des relations conflictuelles avec sa propre mère, une image idéalisée de la maternité, l’absence aux cours de préparation à l’accouchement ou encore un conjoint peu présent. On entend parfois – et ça culpabilise – que renoncer à allaiter ou avoir subi une césarienne augmente le risque de dépression postnatale: c’est faux. En revanche, «les mères qui se fixent une exigence très élevée sont plus exposées à cette maladie». Et rien à voir avec les hormones, le baby-blues ou nos modes de vie: la dépression postnatale touche aussi les mères adoptantes et on la retrouve tout autour du globe.

«Vous n’y pouvez rien», voilà ce que la pédopsychiatre commence par dire aux mères avant d’évaluer leur vie, le soutien de leur entourage et l’image que leur propre mère leur a donnée de la maternité. «En thérapie, on aide la jeune femme à abaisser ses exigences pour se sentir à la hauteur. On l’encourage à se réconcilier avec l’image qu’elle a gardée de sa mère s’occupant d’elle enfant. Parfois, il s’agit de ne pas laisser cette mère envahir la relation que la jeune maman tente de créer avec son bébé, souligne le médecin. Son enfant, la maman le ressent très différemment selon les situations.» L’une d’entre elles, voyant la main de son enfant gazouillant se tendre vers elle, a lâché un jour: «Vous voyez, il va encore essayer de me pincer, il m’en veut.» Plus tard dans la thérapie, son bébé a eu un geste similaire. «Sa mère l’a regardé, lui a souri et a compris qu’il cherchait à entrer en relation avec elle. C’était très fort.»

Un entretien prénatal

De l’amour pour leur petit? Nathalie Nanzer ne doute jamais que les mères en soient emplies. «C’est justement parce qu’elles aiment énormément qu’elles veulent tout faire trop bien. Elles ne savent pas comment être maman.» Pour elle, le sésame ouvre-toi de cette facette consiste à être «consciente de ses imperfections et capable de vivre avec ça». Un enfant n’a pas besoin de parents parfaits, mais sereins. Le genre qui ne flippe pas quand il ne correspond pas exactement à ce que disent les livres. «Il y a trop de conseils en tous genres, lance-t-elle. Les mères peinent à se faire confiance et leurs propres valeurs finissent au dernier plan.»

Parmi ses valeurs à elle, le respect de la personne dans sa globalité occupe une belle place: «Ce qui est bon pour une mère, allaiter par exemple, ne le sera pas pour une autre.» Le mois dernier, la Genevoise a été nommée à la tête de la Guidance infantile, sur les traces de pédopsychiatres qu’elle admire et respecte, comme Bertrand Cramer. Etudiante à l’Université de Genève, elle se souvient de son premier cours, déclic à sa carrière. «Quand je l’ai entendu, j’ai pensé: voilà ce que je veux faire.» Elle y est, au top, deux décennies plus tard. Vingt-cinq personnes sous sa responsabilité, un job à 150% vu qu’elle désire absolument continuer à suivre ses patients quitte à accumuler les heures supplémentaires.

Travailler avec les mères, c’est oeuvrer en amont, et elle aime ça. «Il y a plein d’espoir si l’on prend les choses tôt. Tout peut changer très vite.» L’an dernier, la professionnelle a mis sur pied une équipe pluridisciplinaire formée de gynécologues, de sages-femmes ou encore de pédiatres pour repérer les premiers signes de déprime. En parallèle, un annuaire cantonal de numéros d’urgence devrait voir le jour, tout comme l’ajout d’un entretien prénatal «parentalité» que ce groupe voudrait inclure dans le kit de préparation à l’accouchement.

De la maternité épanouie à la mode Angelina Jolie à l’enfer des mères déprimées, il y a un éventail de sentiments pétris d’ambivalence typiques à la parentalité. Se les avouer permet de mieux les affronter. Savoir que l’on en aura marre de bébé par moments ou que l’on regrettera son couple d’avant, ça aide à se projeter. «S’imaginer quel parent on sera et oser se poser des questions est un facteur protecteur contre la dépression.» Et les hommes n’en sont pas exclus: 10% des nouveaux pères souffriraient, eux aussi, de dépression postnatale. Qui se manifeste autrement – repli sur soi, sur son travail, voire dans l’alcool – mais avec des effets similaires pour l’enfant, victime collatérale de la dépression parentale. Bon sang, il était temps qu’un livre complet sorte ce sujet du placard.

Les 7 signes qui ne trompent pas

1. DÉSINTÉRÊT pour ce que l’on aimait avant et manque d’énergie vitale.
2. DIFFICULTÉ à se rendormir la nuit après la tétée.
3. IRRITABILITÉ contre tout le monde et envie de se terrer chez soi.
4. SOUCI constant et panique sans véritable raison.
5. MANQUE de plaisir à prendre soin de son bébé au quotidien.
6. SENTIMENT d’être malheureuse et pleurs fréquents.
7. CRAINTE de se faire du mal à soi ou d’en faire au bébé.

Adresses
Si vous présentez plusieurs de ces symptômes durant plus de deux semaines:
www.profa.ch
http://spea.hug-ge.ch
Association swiss maman blues, www.swissmamanblues.ch



19/06/2009
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